La parole est-elle libre dans vos rétrospectives?

Fleur Saillofest
5 min readOct 15, 2018

Pour qu’une rétrospective fonctionne bien, on dit souvent qu’il faut un cadre protégé. Mais comment savoir si il est en place? Une des questions que je me pose en tant que facilitatrice de rétrospective est : est-ce que les personnes présentes se sentent à l’aise pour partager leurs idées et leurs problèmes quels qu’ils soient?

Pour cela j’utilise l’exercice du Safety Check en ouverture de rétrospective.

La première fois que je l’ai utilisé, nous organisions une rétrospective avec ma collègue Jennifer Gouin pour une équipe avec leur manager. Nous savions déjà qu’il y avait des tensions dans l’équipe et nous nous demandions si les membres de l’équipe pourraient parler librement devant leur manager et leurs collègues.

Nous avons décidé de modifier l’exercice par rapport à celui proposé par Fun Retrospective, en s’inspirant également de Anonymous note.

Nous avons demandé aux participants “Do you feel safe talking about any subject out loud?” ou en français “Vous sentez vous à l’aise pour parler de tous les sujets?”.

Et nous leur avons demandé de répondre simplement par oui ou non en écrivant un O ou N sur un post-it. Nous voulions, dans notre contexte précis, éviter les moyennes tièdes où personne ne met jamais le minimum ni maximum. Nous voulions que les gens prennent position clairement. Y a-t-il des sujets tabous? Ca pourrait être une autre question intéressante.

Ensuite je regroupe les post its, compte les réponses et affiche les résultats du décompte mais pas les post-its, pour assurer un parfait anonymat.

J’ai continué d’utiliser cet exercice dans différentes circonstances. Il est toujours intéressant à faire et refaire. Pour une nouvelle équipe; pour une équipe qui se connaît bien, histoire de vérifier qu’on ne s’endort pas dans une fausse sécurité où certains sujets passent sous le tapis; quand un nouveau membre arrive dans l’équipe; quand une personne de pouvoir (ou perçue comme telle) assiste à la rétrospective, etc…

J’ai utilisé l’exercice Safety Check la semaine dernière avec une équipe qui faisait sa première rétrospective ensemble. J’ai décidé pour une fois de l’utiliser tel que proposé sur le site Fun Retrospective avec les 5 niveaux de réponse pour avoir plus de nuances dans les résultats. Et j’ai trouvé ça trop rien qu’en les décrivant à l’équipe. La prochaine fois j’essaierai avec 4 niveaux seulement, donc pas de note au milieu. J’essaierai également d’utiliser des descriptions de niveau plus précises, voire adaptées à mon contexte.

La question que je me suis posée ensuite est : quoi faire des résultats? Comment cela modifie, ou non, la suite de la rétrospective?

Si toutes les réponses sont positives, très bien! On peut se féliciter en équipe. Je pourrais même en profiter pour les faire sortir de leur zone de confort, aller plus loin avec de nouveaux exercices ou de nouvelles questions. Profitons de cette sécurité.

Si il y a des réponses négatives, tout dépend combien et du contexte. Je peux décider de juste débriefer pour cette fois, pour que tout le monde soit conscient qu’il y aura des non-dits dans la rétrospective. Et faciliter en conséquence, ne pas obliger les gens à prendre la parole, essayer de reformuler, poser des questions, demander si ils souhaitent aborder tel ou tel sujet. Puis prévoir des activités pour construire de la confiance dans l’équipe petit à petit. Pour une nouvelle équipe ça peut prendre du temps d’être à l’aise avec l’exercice de la rétrospective.

Je peux aussi prévoir des exercices différents en fonction du résultat du Safety Check.

Nous avions décidé pour notre première fois, d’anonymiser les post its pour l’exercice suivant (qui était un exercice classique du genre speed boat il me semble). Notre but était que tous les sujets soient posés, dans l’espoir que ça génère ensuite de la discussion. Nous ne l’avons pas refait par la suite. Trop de temps mort quand le facilitateur doit coller tous les post its. Et ça ne résout pas vraiment le problème si personne n’ose aborder le sujet. Ca peut être bien quand vous voulez voir s’afficher les sujets des gens timides. Ca peut être dangereux et créer des incompréhensions si ces post-its ne sont pas discutés par la suite et servent de défouloir agressif.

Vous pouvez aussi décider de faire toute la rétrospective sur ce sujet. J’utilise par exemple l’exercice suivant: http://www.funretrospectives.com/creating-safety/ pour connaître les raisons des blocages.

Nous avons choisi cette méthode quand nous avons animé une rétrospective pour un service entier avec tous les managers présents. C’était une rétrospective d’une demi journée. Nous avions donc le temps pour essayer de créer un cadre protégé qui nous paraissait indispensable, vu le contexte, pour la suite de la rétrospective. L’exercice n’a pas permis de lever toutes les réticences mais il a aidé les participants à se sentir plus libres de s’exprimer. Il a permis de savoir quels étaient les sujet sensibles. Il a permis aux managers d’entendre les inquiétudes de leurs collaborateurs. Et donc de choisir de les adresser par la suite.

Pour finir, un exercice que j’aime beaucoup pour clore une rétrospective et qui permet, entre autre, de mesurer anonymement si tout le monde a pu parler librement. Je dessine 3 cibles sur un tableau blanc (ou une feuille affichée au mur), avec une affirmation par cible. Chacun répond en mettant une croix dans les cibles plus ou moins loin du centre en fonction de son accord avec l’affirmation. Je positionne le tableau à la sortie de la salle avec des feutres à disposition.

Les 3 questions que j’utilise:

  • J’ai parlé ouvertement
  • Nous avons parlé de ce qui est important pour moi
  • J’ai confiance que nous allons nous améliorer lors de la prochaine itération (ou des prochaines x semaines ou mois en fonction du contexte)

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